Dirigeants : n’abusez pas !
Diriger une entreprise implique de lourdes responsabilités. Parmi celles-ci, on peut retenir le risque pénal appelé l’abus de bien social.
Mieux vaut prévenir que guérir. Alors, faisons un point préventif (voire salvateur) sur des pratiques moins anodines qu’il n’y parait.
Le code du commerce évoque la responsabilité pénale des dirigeants de sociétés commerciales (SA, SARL, SAS…). Les articles L241-3 et L241-6 mentionnent en effet que…
« Le fait, pour les [dirigeants], de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement »
…est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 375 000 euros.
Si vous êtes gérant ou président, administrateur ou directeur général, vous êtes directement concernés, et serez probablement sensibles au sujet.
Lire l’article L241-3 concernant les gérants
Lire l’article L241-6 concernant les présidents, administrateurs ou directeurs généraux
Que peut-on vous reprocher ?
L’idée qui ressort de l’article de loi est… la mauvaise foi. Voilà de quoi relativiser, sans tranquilliser pour autant !
Exemple
Imaginez que vous soyez gérant et associé majoritaire, voire unique. Votre entreprise a une bonne trésorerie et vous avez un projet de construction personnel. Plutôt que d’emprunter à la banque, vous pourriez être tenté de profiter de cette manne pour vos propres convenances, avec l’intention de rembourser l’entreprise, ce qui semblerait honorable…
Une entreprise individuelle peut le faire car, dans le fond, en cas de problème, l’exploitant est redevable de la dette à titre personnel. Pour le gérant, il y a faute pénale ! Le compte courant débiteur est interdit par la loi.
Ce compte courant (455 en comptabilité) est un compte alimenté par ce que l’entreprise doit à l’associé dirigeant (au crédit) : ce sont les rémunérations, les frais éventuellement avancés à titre personnel ou les dividendes, par exemple.
Lorsqu’un virement est fait sur le compte privé, il est au débit. Il peut s’agir également de dépenses que l’entreprise a faites pour le compte de l’associé dirigeant ou lorsque l’entreprise paye directement les impôts du dirigeant.
Astuce : Cherchez dans le bilan ce compte 455. Si le solde est débiteur, vous le verrez parmi les créances à l’actif, ce qui caractérise la faute. Sinon vous le retrouverez dans les dettes au passif, ce qui est admis légalement.
Et si c’est acté ?
Attention ! Le risque est grave si l’entreprise ne parvient plus à honorer ses dettes car vous mettez en danger des tiers par votre faute.
Trop souvent, vous avez cette information une fois le mal fait, lorsque le comptable vous interpelle à ce sujet. Si vous voulez vraiment ne rien risquer : faites immédiatement un virement de votre compte personnel vers celui de l’entreprise.
Sinon, il faut impérativement inverser la tendance pour que le remboursement s’opère ! Vous pouvez aussi augmenter la rémunération ou prendre des dividendes éventuellement. Mais n’oubliez pas la fiscalité et les charges sociales qui vont s’ensuivre obligatoirement !
Remarque pratique : Évitez de faire le virement de votre rémunération avant de l’inscrire effectivement dans les comptes. Vous éviterez ainsi le compte courant débiteur pendant toute une période du mois si vous vous payez « d’avance »…
Autre chose ?
Bien sûr, le compte courant débiteur est la plus classique des erreurs… mais d’autres traditionnels pièges menacent :
- Une rémunération excessive,
- L’utilisation des biens de l’entreprise à titre exclusivement personnel,
- Faire cautionner votre prêt par l’entreprise.
Par extension, le fait de valider un faux inventaire qui donne lieu à versement de dividendes, de dissimuler la vérité aux associés, ou encore de profiter de ses droits de vote pour que la société s’engage contre son intérêt dans une relation commerciale avec une de vos … sociétés sont punissables à l’identique.
Retenez
Abus de bien social ou abus de confiance ?
La différence est subtile : seuls les dirigeants de sociétés commerciales sont concernés par le premier.
Le second, dont le concept est somme toute très proche, sera applicable pour des salariés ou associés non gérants, ou encore pour des gérants d’association par exemple.
En bref…
Un compte courant débiteur ? Pas de panique, mais agissez vite en prouvant votre bonne foi et en inversant la tendance avant qu’on ne vous reproche l’abus de bien social !
Soyez vigilant en n’utilisant pas l’entreprise pour soigner vos intérêts personnels et vous ne risquerez rien.
A bien choisir : faites ce qui profite à l’entreprise, et non pas à vous directement…