Je vous vends ma société… mais pas ce qu’elle me doit !
Posté par: lydie pinardi | on mai 24, 2017
Vous avez trouvé un acquéreur pour les parts dans votre société. La négociation du prix est un point stratégique. Mais que vendez-vous réellement ?
Attention : les parts n’incluent pas forcément tous vos droits, ni toutes vos obligations !
Article à lire pour les vendeurs, bien sûr, mais aussi pour les acquéreurs.
Qu’est ce que la vente implique ? Ou n’implique pas ? Et qu’en est-il de votre compte courant d’associé ?
Précision du jargon juridique : vous devenez donc un cédant et vous vendez à un cessionnaire.
La transaction juridique : rappels…
Si vous souhaitez éviter les déconvenues, il convient de savoir comment la transaction se gérera juridiquement.
Les risques
Globalement, la question du risque attaché à l’exploitation de l’entreprise est abordée dans le droit commun de la vente : les risques sont à la charge du cédant jusqu’au transfert de propriété, c’est-à-dire jusqu’à l’inscription des valeurs mobilières au compte de l’acheteur. Une fois que le transfert de propriété est acté, les risques sont à la charge de l’acquéreur.
L’acquéreur ne peut se désister de la vente, même s’il s’aperçoit par la suite que l’entreprise rencontre des difficultés, qu’il n’avait peut-être pas anticipées. La vente reste donc effective, même si les parts perdent toute leur valeur, sauf si cette perte de valeur résulte d’une faute du cédant.
Un conseil
Négociez la date du transfert ! Il est possible d’établir le transfert de propriété après complet paiement du prix de transaction. En toute logique, l’acquéreur ne pourra alors exercer les droits correspondant à sa qualité d’associé qu’une fois le prix convenu entièrement payé.
Les cautions
Il conviendra de vérifier si des cautions ne sont pas engagées sur certaines dettes, y compris celle du découvert bancaire.
Parfois, le dirigeant oublie qu’il demeure responsable des dettes par le biais d’une caution qu’il aurait signée et dont il aurait oubliée l’existence. Dans ce cas, il sera impératif de faire une substitution de la caution pour désengager l’ancien dirigeant.
Les pertes
Les pertes éventuelles demeurent attachées à l’entreprise et la cession de parts suppose que les pertes demeurent. Elles sont intégrées dans la vente et font parties de l’entreprise vendue.
Les dividendes
Les droits à dividendes sont transmis à l’acquéreur car ils sont attachés aux parts sociales ou actions vendues.
Le compte courant
Définition
Le compte courant est une somme avancée par un associé qui matérialise une dette de l’entreprise à l’associé.
En cas de difficultés
Dans certains cas, il serait plutôt « vendeur » de pouvoir abandonner une partie du compte courant de manière à relever le résultat et éviter la situation de capitaux propres négatifs si l’entreprise a rencontré des difficultés. L’entreprise retrouverait alors une configuration assainie et plus propice à la vente.
Dans tous les cas, cet apport en compte courant risque d’être perdu. Il reste alors avantageux d’officialiser la subvention privée pour rétablir un équilibre financier communiqué par la suite aux tiers, ce qu’appréciera l’acquéreur.
Financé par les associés
La cession des parts envisagée pose la question du devenir du compte courant, qui peut être assez conséquent. En effet le financement pouvait être assuré par les associés vendeurs par le moyen de ces fonds prêtés à l’entreprise.
Au moment de la vente, l’associé perd légitimement son statut d’associé, mais il reste alors créancier de l’entreprise par l’inscription au passif de la dette du compte courant.
Souvent, il existe une convention qui gère cette relation entre les associés et l’entreprise, le cadre étant parfois donnée par les statuts.
Jurisprudence
Une nouvelle jurisprudence a apporté des éclaircissements sur ce point dans une affaire récente :
L’associé d’une SARL a vendu toutes ses parts puis a demandé à la société le remboursement de son compte courant. Pour rejeter sa demande, la Cour d’appel de Paris explique que le compte courant est lié aux parts et que seul l’acquéreur est tenu de rembourser le compte et non la société qui n’intervenait pas dans la cession. Elle en déduit ainsi que « les seuls débiteurs de la créance ne pouvaient être que les cessionnaires ».
Or, la Cour de cassation a cassé cette décision.
En effet, la cession des parts n’entraîne pas la cession du compte courant ouvert au nom du l’ancien associé, sauf stipulation expresse.
« …en jugeant que les comptes courants d’associés avaient été cédés avec les parts sociales au motif qu’ils avaient été pris en compte par les parties pour la détermination de l’actif net de la société et donc du prix de cession des parts sociales, de sorte que la cession de parts serait devenue indissociable de la cession des comptes courants, sans constater l’existence d’un accord de cession portant sur les comptes courants, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil » (Cass. com. 11.01.2017 n° 15-14.064 F-D) .
Consulter cette jurisprudence sur le Legifrance
Par conséquent, le changement de propriétaire n’induit pas l’annulation de la dette de la société vendue auprès du cédant. Il n’implique pas non plus que les nouveaux propriétaires deviennent les débiteurs en substitution.
Céder le compte courant
Au final, pour que le compte courant soit cédé au nouvel acquéreur, il faut un acte explicite. Il ne sera pas considéré que le prix établi tient compte de la cession supposée du compte courant à l’acquéreur.
Ainsi, la clause prévoyant que « l’acquéreur est subrogé dans les droits et actions résultant de la possession des parts cédées » n’emporte pas le transfert du compte courant à l’acquéreur, sauf mention expresse relative à ce compte.
En effet la société n’est en rien concernée par l’acte de vente entre associés.
En bref
Pour toute transaction, ayez conscience des risques, vérifiez les cautions, prenez en compte les pertes et dividendes.
Pour la question du compte courant, le mieux est de l’aborder de manière explicite dans l’acte de vente. Vous éviterez ainsi bien des déboires ou malentendus que vous soyez acheteur ou vendeur. Faites vous accompagner par un avocat d’affaire.
Rien ne vaut un écrit pour clarifier la situation !