Moduler les horaires. Est-ce possible ?
L’activité de votre entreprise connait parfois des périodes creuses et d’autres intenses.
Est-il possible de moduler les horaires des salariés en fonction de l’activité ?
Comment gérer l’adéquation activité/ressources humaines ?
L’entreprise peut en effet répartir la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus, égale à un an ou trois années sous condition d’un accord de branche ! Elle adapte ainsi le rythme de travail des salariés à celui de l’activité, et évite les heures supplémentaires en période de haute activité ou le chômage partiel en basse activité.
Dans le principe, c’est l’employeur qui décide des horaires de travail même si la consultation du comité d’entreprise ou du CHSCT est requise.
Quelles sont les conditions ?
Une convention ou un accord collectif doit l’y autoriser et en prévoir les modalités.
Sinon des périodes de modulations sur 4 semaines sont possibles pour toutes les entreprises… voire 9 semaines pour les entreprises de moins de cinquante salariés depuis le 1er janvier 2017.
Un accord collectif
Pour gérer la situation, la loi prévoit un accord collectif qui peut se limiter au cercle de l’entreprise. Il prévaut alors sur la convention collective qui ne s’applique que par défaut. Cette convention ne peut en aucun cas s’opposer en à l’accord d’entreprise.
Cet accord doit aborder plusieurs points :
1 – Conditions et délais de prévenance
Parmi les informations indispensables de cet accord figurent les conditions et les délais de prévenance du changement de durée ou d’horaire de travail (délai de 7 jours par défaut).
2 – Décompte des heures supplémentaires
Devra également être expliqué les limites pour le décompte des heures supplémentaires. Un seuil de déclenchement hebdomadaire ou pluri-hebdomadaire doit être envisagé. Dans un cadre annuel, il peut être prévu à partir de la 1 608ième heure annuelle au maximum.
L’année est une période de 12 mois qui ne correspond pas forcément à l’année civile, ce qui peut s’avérer pratique en cas de forte saisonnalité. On adaptera ainsi aux besoins de l’entreprise la période considérée.
Le décompte des heures supplémentaires
3 – Absences, arrivées et départs
Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période devront également être mentionnées.
Remarques…
Pour les absences : le salarié est, à son retour, soumis au même horaire que les autres. Il peut donc bénéficier des périodes basses même si il a été absent en période haute.
On rencontre donc parfois des difficultés avec un taux d’absentéisme plus important pendant les périodes hautes. Il faudra alors trouver d’autres mesures incitatives.
Pour les arrivées et départs, plusieurs solutions sont envisageables : Elles dépendront de l’accord collectif qui fixe les modalités de calcul. On peut recommander de s’appuyer sur la jurisprudence de 2010 selon laquelle les heures non travaillées sont déduites du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Idéalement on pourrait faire un point en fin de période pour comparer le réalisé réel par rapport à la durée hebdomadaire théorique afin de calculer les heures supplémentaires à payer.
Remarque spéciale « Bâtiment »
Dans le cas d’une entreprise relevant de la convention collective du bâtiment, le contingent d’heures supplémentaires par salarié n’est que de 145 heures par an s’il existe un accord d’annualisation. Conséquence : au-delà de ce contingent, des heures de repos compensateur sont dues au salarié en plus de la majoration du taux horaire ! Le repos est alors d’une heure pour une heure travaillée ! Cette règle de repos obligatoire existe dans tous les cas, sauf qu’en l’absence d’annualisation, le contingent est de 180 heures.
Du collectif à l’individuel
Depuis 2012, l’accord individuel de chacun n’est pas nécessaire pour appliquer l’accord collectif qui ne constitue pas une modification du contrat de travail, ce qui évite des procédures de licenciement éventuelles en cas de refus.
Les horaires peuvent s’appliquer au cas par cas, en déclinant, selon le salarié, des horaires différents. A notre avis cependant, il faudra manier avec prudence cette liberté afin de ne pas être accusé de favoritisme ou de dispositions trop ciblées…
Attention ! Le cadre impératif de la loi sur les durées hebdomadaires maximales s’impose évidement à l’entreprise.
En ce qui concerne les heures supplémentaires, elles seront payées comme telles le mois où elles sont réalisées.
Sans accord collectif, une autre solution…
Enfin, si aucun accord collectif n’est établi (d’entreprise ou de branche), l’aménagement est toujours possible, mais sur des cycles de 4 ou 9 semaines pendant lesquelles l’employeur peut unilatéralement répartir l’horaire comme il l’entend.
La législation sur cette possibilité
Programme indicatif
La base de cette organisation passe par un programme indicatif de la variation de la durée de travail. Il se met en place en 3 étapes :
- Soumission pour avis et avant son application, au comité d’entreprise ou, le cas échéant, aux délégués du personnel,
- Transmission à l’inspection du travail,
- Affichage sur les lieux de travail (ou dans l’établissement auquel les salariés sont rattachés en cas d’activité à l’extérieur).
Attention !
Le défaut de transmission à l’inspecteur du travail ou de l’affichage peut faire encourir des sanctions pénales.
Contenu
Pour chaque semaine de la période de référence, le programme doit mentionner les horaires et la répartition exacte. Il peut y avoir au cours de cette période (de maximum 4 ou 9 semaines) une alternance de semaines courtes ou longues (inférieures ou supérieures à la durée légale hebdomadaire). Elles peuvent même comporter des journées ou demi-journées de repos.
Ces modifications n’autorisent cependant en aucun cas au dépassement des durées maximales de durée hebdomadaire ou journalière, ni ne dispense l’entreprise des repos quotidiens ou hebdomadaires obligatoires.
Communication
Jusque-là, le programme était indicatif, place au concret…
Le programme définitif doit être transmis au moins 7 jours avant à tous les salariés concernés.
A noter que l’aménagement des horaires sur 4 semaines ne constitue pas une modification du contrat de travail. Il n’impose donc pas d’accord exprès des salariés concernés. (Lire le récent rappel de la cours de cassation)
Salaire
Pour les salariés, la rémunération mensuelle n’est pas modifiée en fonction des horaires effectuées. La fiche de paye ne change en rien !
La rémunération est indépendante des horaires réalisés, ne s’y ajoute que les heures supplémentaires effectuées.
En bref…
Particulièrement adaptée aux entreprises à forte saisonnalité, la modulation des heures de travail sur une période annuelle peut être une solution idéale en négociant un accord collectif. Il est fortement conseillé de se faire accompagner par un juriste à ce sujet afin de bien cadrer l’accord selon les dispositions législatives.
Si vous ne souhaitez pas recourir à l’annualisation par voie conventionnelle, vous ne pourrez moduler les horaires de vos salariés que sur des cycles de 4 ou 9 semaines maximum avec un minimum de procédure.